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Portraits |
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Rencontre avec Messieurs Grange-Chavanis et Duméril, du cabinet d'architecture AEC Lyon. Juillet 2011
Interview de Robert DENIS et Séverine HABERER. Rencontre autour d’un cadran solaire
Rencontre avec Isabelle Moreaux-Jouannet et Emmanuel Moreaux, restaurateurs de tableaux à Aix-les-Bains, lundi 30 mai 2011
Rencontre avec Catherine et Guy Cottaz, maîtres verriers, vendredi 1er avril 2011
Rencontre avec les restauratrices de l’atelier Noémi, lundi 27 mars 2011
Interview de l’entreprise Eurotoiture, lundi 8 novembre 2010
Rencontre avec Pascal Curat, mercredi 6 octobre 2010
Rencontre avec Bruno et Patrice CART, lundi 14 juin 2010.
Rencontre avec Mr Bisoli Patrick, conducteur de travaux pour l’entreprise de maçonnerie Jacquet.
C’est à la veille de la cérémonie officielle marquant la fin des travaux de restauration de l’église que nous rencontrons M. Jean-François Grange-Chavanis, architecte en chef des monuments historiques, alors qu’il se prépare pour la conférence organisée dans le cadre du Festival du Baroque du Pays du Mont-Blanc.
Pour obtenir son titre d’architecte en chef des monuments historiques (A.C.M.H.), M. Grange-Chavanis a d’abord suivi des études d’architecture, qu’il a complétées par des cours particuliers à l’école de Chaillot, au centre d’étude d’histoire et d’architecture. |
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Il existe une cinquantaine d’A.C.M.H. en France. Chacun d’entre eux se voit confier par l’Etat une circonscription regroupant plusieurs départements.
Après avoir travaillé dans différentes circonscriptions, M. Grange-Chavanis s’installe à Lyon, et travaille notamment en Savoie et Haute-Savoie. A la différence d’un architecte des bâtiments de France (A.B.F.), fonctionnaire de l’état, un A.C.M.H. a le statut de profession libérale. M. Grange Chavanis travaille dans un cabinet indépendant qui emploie une vingtaine de personnes. « Le titre d’A.C.M.H. donne le monopole sur tous les monuments classés, mais il est également possible de travailler sur d’autres projets, exactement comme n’importe quel autre architecte » précise-t-il avant de nous confier :
« La grande variété des chantiers de restauration auxquels nous participons rend ce métier passionnant. Nous rencontrons des styles et des courants architecturaux très divers ; et à chaque fois, nous devons adapter nos méthodes. »
« Nous devons trouver des solutions techniques aux désordres rencontrés, tout en veillant à conserver l’authenticité du bâtiment. Les A.C.M.H. sont les garants de cette authenticité. Nous sommes attentifs au respect de « l’esprit du lieu » et du travail de tous ceux qui nous ont précédés, tout en étant vigilant à ne pas tomber dans l’exagération de vouloir tout conserver à tout prix. C’est une question d’équilibre. »
« Un des autres aspects passionnant de mon métier », nous livre M. Grange-Chavanis « réside dans la recherche de petits monuments discrets, n’ayant jamais été étudiés, ni restaurés. « Il s’agit alors de faire une recherche historique complète, en partant de zéro, de découvrir des choses que personne n’a encore découvertes, avec un petit côté « Sherlock Holmes» ! » |
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M. Pascal Duméril est le chef d’agence du cabinet AEC Lyon. Il est le principal collaborateur de M. Grange-Chavanis depuis une trentaine années.
Originaire de la vallée de l’Arve, il a fait ses études au « Polytechnicum » de Genève, équivalent Suisse de nos écoles d'ingénieur, en alternance chez un architecte.
« C’est un métier magnifique car on travaille aussi bien sur des bâtiments contemporains que sur des monuments historiques de tous les styles et de toutes les époques. On est en contact avec une clientèle très variée. Et comme chaque personne est différente, nous devons nous adapter afin d’apporter satisfaction à chacun. C’est une découverte à chaque fois, une page blanche à écrire. »
« Les échanges avec les entreprises et leurs chefs d’équipe sont également très riches. Ils apportent toujours de nouvelles connaissances. »
Au sein du cabinet AEC Lyon, Messieurs Duméril et Grange-Chavanis travaillent en collaboration avec des géomètres, des ingénieurs, des personnes chargées des recherches historiques, de la comptabilité, des études techniques, du secrétariat,… Pour M. Duméril, « C’est une chaîne de compétences où chacun joue un rôle essentiel dans le projet. »
La première mission du cabinet est la réalisation de l’étude préliminaire, destinée à synthétiser les problèmes et proposer des solutions. Pour Cordon, cette étape indispensable a débuté en 2003 et a duré 2 ans.
Il a fallu faire des recherches historiques, des photos, des relevés sur le bâtiment, des plans et des calculs, afin de comprendre les désordres provoqués par la charpente.
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Cette étude technique est ensuite chiffrée afin de pouvoir solliciter des aides de différents partenaires financiers. Elle doit être approuvée par les services de l’Etat (Direction Régionale des Affaires Culturelles) pour bénéficier de subventions.
Ces financements, que l’on dit « croisés », proviennent de l’Etat, de la Région, du Département et de la Commune, et sont souvent longs et difficiles à obtenir simultanément.
Une fois les financements réunis, l’étape suivante consiste à assister le maître d’ouvrage (à Cordon : la Commune) dans la procédure de consultation et de choix des entreprises. Une fois les entreprises choisies, les travaux de restauration à proprement parlé peuvent commencer.
M. Duméril a suivi de près les travaux, en assistant à chaque réunion de chantier, depuis le démarrage de l’étude, jusqu’à la fin du chantier.
Quels souvenirs gardez-vous de ce chantier ?
M. Duméril :
« Je me souviens encore très bien de la montée d’angoisse qui m’a envahi quand la charpente était entièrement démontée, sous le parapluie. Malgré toute la confiance que j’avais dans les entreprises en charge de cette partie des travaux, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que c’était quand même une étape risquée. Le bâtiment se trouvait complètement découvert, sous un parapluie, certes, mais entièrement découvert tout de même ! »
« Dans un autre registre, l’étape de pose des premières ardoises de la toiture m’a beaucoup marqué. Ce que l’on avait imaginé prenait vie sous de nos yeux, de manière vraiment magnifique. C’est un très bon souvenir. »
M. Grange-Chavanis :
« Je garde un excellent souvenir de ces travaux, grâce aux élus et au personnel communal. Tous ont été très attentifs, et intéressés. J’ai ressenti, dans ce village, une ambiance sympathique. L’importance d’un travail de restauration est parfois difficile à faire reconnaître. Mais à Cordon, tout s’est fait naturellement. Il y a un réel intérêt de la population pour la préservation de son patrimoine. Nous avons alors pris encore plus à cœur notre devoir de faire respecter l’esprit du lieu, et le travail déjà accompli sur cette église. Ça a été très stimulant. »
Nous quittons Messieurs Grange-Chavanis et Duméril en les remerciant pour ces échanges enrichissants.
Aurélie, Claire et Catherine. |
Ce vendredi 1er juillet 2011, nous retrouvons Robert DENIS et Séverine HABERER devant le cadran solaire récemment repeint sur la façade sud de l’église, un peu avant 13h30.
M. Denis a juste le temps de nous donner quelques explications sur le fonctionnement du cadran, avant de s’arrêter net : Il est très précisément 13 heures 33 minutes et 34 secondes. La magie opère… et l’œilleton se trouve exactement sur la courbe en forme de 8, au point indiqué « 1er juillet ».
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Robert nous montre la tache lumineuse provenant de l’œilleton |
Le 1er juillet à 13h 33’ 34’’ |
« Et voilà ! C’est toujours bien quand cela fonctionne ! » Nous dit-il, souriant, l’air soulagé.
Le style est composé d’un disque avec un trou au centre appelé œilleton, et maintenu en position par des tiges. Seule la tache lumineuse provenant de l’œilleton est fonctionnelle. Il ne faut pas se préoccuper de l’ombre des tiges.
Il poursuit en nous expliquant qu’« à chaque fois que le centre de l’ombre du disque ou la tache lumineuse provenant de l’œilleton se trouveront sur la courbe tracée en forme 8, il sera 12h33’34’’ à nos montres à l’heure d’hiver, ou 13h33’34 ‘’ à l’heure d’été. C'est ce que l'on appelle le midi solaire moyen de Cordon, et c'est invariable. On peut aussi l’utiliser comme calendrier car le 1er jour de chaque mois calendaire est repéré sur le 8. »
« Pour lire l’heure avec le cadran, il faut noter que les lignes horaires du cadran indiquent les heures au soleil. Pour passer de l’heure solaire, à l’heure de nos montres, il faut ajouter un nombre de minutes précis, variable selon la date. » Par exemple, le 1er juillet 2011 à Cordon, il fallait ajouter 37’30’’+1h (heure d’été). Donc quand il était 14h au soleil, il était 15h37’30’’ à nos montres !
Devant nos mines perplexes, M. Denis ajoute : « Mais ne vous inquiétez pas ! Tout sera expliqué sur un panneau posé au pied du cadran. » Nous voilà rassurés !
Comme nous pouvons le deviner, un cadran solaire n’est pas le fruit du hasard. Il nécessite plusieurs mois de travail, de minutieuses mesures et de savants calculs mathématiques issus de la trigonométrie sphérique.
Il faut tout d’abord déterminer les caractéristiques du lieu d’implantation du futur cadran :
- sa position géographique,
- son inclinaison, appelée aussi « fruit » : il s’agit de la verticalité du mur,
- sa déclinaison, c’est-à-dire l’orientation du mur par rapport au sud, qui se mesure à l’aide d’une planche à clous.
Le cadran de Cordon est géographiquement positionné comme suit :
Latitude 45°55’20’’ Nord – Longitude 6°36’37’’ Est
Inclinaison (ou « fruit ») : 88°33’
Déclinaison : 20°40’ Ouest = cadran tourné de 20°40’ par rapport au plein sud, ce qui en fait un cadran dit « du soir ».
Vient ensuite l’étape de réalisation des épures, qui sont des croquis dessinés avec des styles de longueurs différentes, qui permettent de choisir le type de cadran qui sera le mieux adapté à l’emplacement.
Grâce à une photographie du cadran solaire de l’église de Cordon, datant de 1949, Robert Denis et Séverine Haberer ont pu retracer un cadran proche de celui qui existait à l’époque, avec les mêmes dimensions, le même type de style et de lignes horaires.
C’est à ce moment-là qu’est intervenue Séverine Haberer, restauratrice d’art de l’entreprise Noémi, pour dessiner le futur cadran. « La création se devait d’être en harmonie avec les décors de la façade récemment remis à jour et restaurés. Le graphisme et les couleurs ne devaient pas être trop forts, ni trop marqués » nous dit Séverine.
Une fois le graphisme inventé, Robert et Séverine ont travaillé ensemble afin d’appliquer le dessin sur le mur, à l’échelle 1 évidemment. Le dessin est alors appelé « poncif ». Dessinés sur un calque, qui sera percé avec une roulette, mis en position précise, les tracés du futur cadran sont alors reproduits sur le mur par tamponnages avec un pigment contenu dans une toile fine.
Enfin, Séverine terminera le travail en repassant proprement les traits, en inscrivant les points de repère et de lecture, les mois, la devise, et en décorant subtilement le tout avec des fleurs proches de celles que l’on peut admirer sur la façade.
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Véritablement passionné par les cadrans solaires, Robert Denis en a réalisé plus d’une soixantaine. « J’étais alors professeur de chaudronnerie au Lycée du Mont-Blanc de Passy quand un de mes collègues, professeur de physique, M. Denizot, est venu me demander de lui fabriquer des styles. » Nous confie-t-il. « Et voilà comment, il y a 30 ans de cela, je suis tombé dans la passion des cadrans solaires ! ».
« Cette activité m’a beaucoup apporté et m’a permis de faire de nombreuses rencontres. Aujourd’hui, j’ai même l’occasion d’animer des conférences sur ce thème, ce qui me permet de transmettre à mon tour ce que j’ai appris auprès de M. Denizot. D’ailleurs, j’anime une conférence les 20 et 21 juillet prochains à Sallanches… » Le rendez-vous est pris !
Nous remercions Séverine Haberer et Robert Denis pour leur disponibilité et leurs explications, et leur souhaitons une bonne continuation sous le soleil des cadrans.
Catherine et Aurélie.
C’est au bout d’une petite ruelle calme et fleurie du vieil Aix-les-Bains que nous trouvons l’atelier d’Isabelle et Emmanuel, là où les tableaux des retables de notre église se font refaire une beauté.
L’endroit est spacieux, lumineux, très accueillant. D’une superficie de 180m2 sur 2 niveaux, avec une mezzanine qui permet d’observer les œuvres en restauration de haut, et 6m50 de plafond qui permettent d’accueillir des toiles de très grands formats. Cet atelier a été successivement celui d’un « staffeur » qui travaillait pour les palaces d’Aix-les-Bains, d’un peintre décorateur et d’un peintre en lettres. Lorsque Isabelle et Emmanuel investissent les lieux, ils décident de laisser apparentes les traces de peintures au mur, comme un clin d’œil à l’histoire.
Tantôt sur le sol ou sur chevalet, tantôt sur la table ou l’établis, les tableaux se rentrouvrent tous ici, simplement, en attente d’une « cure de jouvence ».
« Qu’il soit célèbre, avec une valeur historique, ou qu’il s’agisse d’un portrait de famille, intimiste, chaque tableau qui nous est confié bénéficie du même soin et de la même expertise de ma part» nous confie Isabelle, l’œil pétillant de passion.
Isabelle et Emmanuel : un couple complémentaire
- Isabelle découvre le métier de restaurateur de tableaux à l’âge de 14 ans, alors qu’elle garde les enfants de la conservatrice du musée de Chambéry. Elle étudie les beaux-arts à l’école de Valence puis à celle de Clermont-Ferrand. « 7 années d’étude, comme pour devenir médecin ! » dit-elle. Parallèle très juste car sa mission est de redonner vie aux tableaux.
En 2004, elle réussit le concours de meilleur ouvrier de France ; « c’était un véritable défi », nous dit-elle. On évalue alors son savoir faire, ses techniques, et ce à l’échelon national ; « Cela vous conforte dans votre métier ! »
Elle nous avoue travailler toujours plusieurs œuvres simultanément pour que son œil ne s’habitue pas trop à un style, une gamme de couleur, ou une technique.
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- Emmanuel, lui est rentoileur. Plus intéressé par la chimie et les aspects techniques de la restauration, il s’est spécialisé dans le travail du support et du châssis qui reçoivent la toile. Il peut s’agir d’un refixage*, d’un rentoilage* ou d’une simple relaxation (traitement des déformations) du support de toile.
Ils travaillent sur une table basse pression de grande dimension qui permet d’apporter le traitement le plus adapté à chaque œuvre ; « On tient compte de l’endroit où le tableau va vivre (dans une église, un musée, chez un particulier) et on adapte le traitement en fonction (anti-insecte, contre l’humidité, ou au contraire dans un air aseptisé). Souvent, nous préférons la cire résine plutôt que la colle à base de farine, dont les rongeurs raffolent.».
Les particularités de la restauration des tableaux de Cordon :
Isabelle nous avoue : « je m’attendais à plus de retouches, et moins de nettoyage. Ça a été une véritable surprise ! »
En effet, plusieurs couches de vernis ont été soigneusement déposées durant des années, à croire que nos communiers de Cordon étaient particulièrement soigneux et voulaient que leurs tableaux brillent… « C’est bien le problème », nous explique-t-elle, « le vernis redonne un éclat rapidement aux couleurs passées. Hélas, il s’oxyde ensuite, et incruste dans la toile poussières et saletés avec encore plus d’insistance. Il nous a alors fallu retirer ces différentes couches de vernis l’une après l’autre, en utilisant des solvants adaptés aux composants de chacune… ». |
« Bien sûr, quelques retouches, greffes* et inclusions* ont été nécessaires dans le cadre de cette restauration, mais l’essentiel fut du décrassage, comme on dit dans le jargon des restaurateurs ! »
« Quelle émotion de retrouver ces couleurs si vives, si chatoyantes, comme autrefois ! » nous disent nos restaurateurs.
« N’oublions pas que les églises à l’époque étaient peu éclairées et que les couleurs des peintures étaient très vives et éclatantes… » dit Isabelle. Je tiens à préciser que je n’ai pas repeint les toiles ! Ce sont les couleurs d’origine, celles qui étaient cachées par les multiples couches de vernis… »
C’est une véritable résurrection pour certaines toiles …
Claire, guide dans l’église, nous avoue redécouvrir totalement le tableau du retable, situé dans le transept droit : « Mais oui ! Rappelez-vous, on distinguait à peine les personnages agenouillés sous la croix… maintenant, on les reconnait ! Il s’agit de Jean, Marie et Marie Madeleine … »
Parmi les autres surprises, pour les amateurs de patrimoine, nous avons la signature très lisible de Léonard Isler sur la toile du retable situé dans le transept gauche de notre église, et les couleurs très fraiches de l’antependium situé en dessous.
On sait désormais avec certitude, et grâce au travail des restaurateurs (y compris celui de l’atelier Noémi, interviewé en mars dernier), que ce jeune et talentueux peintre d’Argovie (d’origine Suisse-allemande), a non seulement réalisé l’ensemble des fresques extérieures et intérieures de l’édifice, mais aussi deux tableaux dans l’édifice.
Ravis, nous quittons cet atelier à l’atmosphère particulièrement magique, remerciant Isabelle et Emmanuel pour leur accueil chaleureux.
Nous retrouverons nos tableaux à Cordon très prochainement. Notre regard, imprégné du passé, pourra à nouveau se poser sur ces tableaux restaurés, guidé par la devise de ces restaurateurs :
"Restaurer la vie, tout en conservant l'âme..."
Définitions :
Refixage : Sur toile, bois, cuivre, Isorel… avec une technique adaptée au support et à la surface picturale sur une micro table basse pression, spatules chauffantes.
Rentoilage : Utilisation courante d’une table basse pression de grande dimension pour les rentoilages. Différentes techniques sont utilisées : méthode traditionnelle, méthode technique récente approuvée par l’INP (Institut National du Patrimoine).
Greffes et inclusions : Technique adaptée en fonction de la nature et de l’état du support : greffe de toile, inclusion, renfort…
Cette semaine,tous les vitraux de l’église ont été reposés. Et c’est juste avant leur retour chez eux dans la Drôme, que nous avons rencontré Catherine et Guy Cottaz, « Vitraillistes ».
Catherine, fille de maître verrier, a fait l’école des beaux arts pendant 5 ans (spécialisation restauration de tableaux). Guy, mécanicien de précision, a découvert ce métier en rencontrant Catherine, et c’est dans l’atelier de son (futur) beau-père qu’il apprend les techniques traditionnelles de cet art. Ils s’installent ensuite à leur compte, et interviennent essentiellement dans la région Rhône Alpes, en Savoie et Haute-Savoie. Ils ont travaillé notamment sur l'église du village et le calvaire de Megève, la chapelle de Cassioz , l’église de St Nicolas de Véroce, celles de Notre Dame de Bellecombe, Notre Dame de la Gorge…
Guy nous explique les différentes étapes nécessaires à la création d’un vitrail :
- Tout d’abord, Catherine crée une maquette au 10ème. « C’est elle l’artiste » nous dit Guy. Et elle ajoute : « C’est en écoutant attentivement les attentes du client que je trouve l’inspiration, il faut être un peu psychologue.. . »
- Ce dessin est reproduit grandeur nature sur un calque, reporté ensuite sur un papier à calibrer tel un patron de couture. « On utilise des ciseaux spéciaux à 3 lames, retirant automatiquement l'épaisseur de l'âme du plomb pour un assemblage parfait des pièces. Les calibres ainsi obtenus sont disposés sur le verre pour la coupe. Les feuilles de verre soufflé que nous utilisons proviennent de la verrerie de St Just- St Rambert (42), unique usine en France encore en activité »
- Le vitrail est ensuite peint par Catherine, sur une table transparente et éclairée, avec des grisailles (oxydes de métaux), des émaux jaunes, de l'argent Jean Cousin, des dépolis...
- La cuisson des pièces s'effectue dans un four à 650°, pour fixer les couleurs dans le verre.
- Après défournement, on procède à la mise en plomb, soudure à l'étain à chaque intersection (aux 2 faces). Intervient ensuite le masticage liquide qui assure l’étanchéité et la pérennité des vitraux. Puis le soudage d'attaches (cuivre ou plomb) qui permettront de solidariser les vitraux aux "raidisseurs" ancrés dans la maçonnerie.
A Cordon, la plupart des vitraux sont ornementaux, en verre blanc et frise colorée, deux seulement représentent des personnages, et sont peints. Guy pense qu’ils datent de la fin du XIXème siècle, et ont été rapportés à Cordon.
Après une semaine de travail de dépose, c’est dans leur atelier qu’ils ont remis en état l’ensemble des vitraux de l’église : tout d’abord ils dessertissent, puis effectuent une remise en plomb complète en remplaçant les pièces cassées. Ils nettoient l’ensemble pour lui redonner son éclat originel. La repose des vitraux a nécessité le remplacement de toutes les "barlotiéres" et" raidisseurs ", les anciens étant inadaptés, car de sections trop faibles et trop courtes. Des bavettes en plomb, façonnées et adaptées à chaque baie ont été installées à leur base, afin de récupérer et évacuer vers l'extérieur une éventuelle condensation intérieure due au chauffage.
« Après discussion avec Mr Dumeril, nous décidons d’installer un grillage de protection entre le barreaudage et le vitrail » nous explique Guy, « c’est plus adapté que des vitres. Ainsi les vitraux resteront visibles de l’extérieur de l’édifice. »
Ils garderont tous deux un bon souvenir des échanges qu’ils ont pu avoir avec l’architecte, les différents corps de métier, et les personnes de la commune qu’ils ont rencontrées. Leur prochain chantier sera la dernière phase de création des vitraux du château de Grignan (26).
Nous les remercions pour cet entretien enrichissant durant lequel nous avons découvert un métier rare et passionnant.
Propos recueillis par Claire et Catherine
Pour rencontrer les restauratrices de l’atelier Noémi, il faut monter sur les échafaudages, et c’est à quelques centimètres des célèbres fresques de Isler, que Séverine, Clemencia et Françoise nous attendent.
Toutes trois passionnées par leur métier, chacune a eu un parcours très différent :
- Séverine, créatrice de l’atelier Noémi avec son compagnon Vincent, a étudié les beaux arts. Peintre murale ensuite, elle s’est intéressée à la restauration d’œuvres d’art au fil de ses différentes interventions sur des bâtiments classés monuments historiques. Elle habite aux alentours de Belley , dans l’Ain.
- Clemencia, a étudié à la faculté de restauration en Colombie, son pays natal et a travaillé dans différents pays du monde, notamment en Italie. Aujourd’hui artisan indépendant, elle habite en Suisse, et c’est la troisième fois qu’ elle collabore avec Séverine.
- Françoise quand à elle, habite aux Houches. Après des études d’histoire de l’art, elle parcourt la France, au fil des chantiers. Revenue au pays, elle intervient en renfort sur les chantiers de la région : calvaire de Megève, église St Jacques de Sallanches, et plus récemment le presbytère de St Nicolas de Véroce.
Avant de commencer une restauration, il faut déterminer de quelle technique il s’agit et quels sont les matériaux utilisés. Au XVIIIème siècle, on utilisait des pigments issus du milieu naturel (ocres, minéraux, oxyde de cuivre, oxyde de fer, …), c’est pourquoi il faut d’abord acquérir des connaissances en minéralogie et en chimie organique afin de respecter les œuvres lors de la restauration. Il faut aussi, cela va sans dire, des connaissances approfondies en histoire de l’art, pour comprendre et restituer fidèlement le dessin de l’artiste.
A Cordon, les scènes figuratives sont réalisées « à fresque» : le pigment est directement posé sur l’enduit frais, sans liant, à l’aide de pinceaux en poil de porc longs gorgés d’eau. Cette technique assurait une meilleure conservation des œuvres, puisque la couleur était emprisonnée dans la chaux lors de la carbonatation, En séchant, la chaux se transforme chimiquement et adopte la même composition que la pierre de calcaire pure (caco3). On obtient donc littéralement une peinture « dure comme la pierre ». Comme les couleurs étaient utilisées pures, on obtenait ainsi un éclat particulier, non altéré par le liant.
Les artistes travaillaient à la journée, « alla giornata », et on voit très nettement les différentes reprises d’enduits qui sont nécessaires à la réalisation d’une scène.
Les décors ornementaux eux, sont réalisés à la peinture à la chaux sur l’enduit déjà sec. La chaux forme un film qui rend les couleurs plus laiteuses.
Quelques fois, les deux techniques sont associées, on parle alors de « mezzo fresco ».
Séverine et Clemencia, à Cordon depuis avril 2010, ont commencé leur travail sur la façade extérieure de l’église Notre Dame de l’Assomption. Elles ont eu la grande joie de découvrir un merveilleux décor peint « a tempera » (mélange de pigment, d’eau et de colle animale), camouflé depuis un siècle sous un badigeon uni. Les peintures découvertes aujourd’hui correspondent en fait aux esquisses préparatoires, les décors peints à la chaux s’étant détachés de la surface avec le temps. Elles ont mis au jour ce décor, nettoyé, et estompé les accidents de surface qui gênaient la lecture de la peinture originale. C’est précisément là que réside la particularité d’une restauration, contrairement à la rénovation !
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Depuis le début d’année, elles travaillent à l’intérieur de l’édifice. La première phase fut le nettoyage complet à l’aide de gommes. « Ces éponges créées en Allemagne, étaient à l’origine conçues pour la ménagère ! » nous raconte Séverine avec le sourire. « Aujourd’hui, elles sont devenues un outil indispensable, réservé aux restaurateurs ». Sur certaines fresques, une injection de coulis de chaux fut nécessaire pour re-fixer les enduits décollés par les infiltrations d’eau. Elles retouchent ensuite le décor, pour masquer les fissures, en utilisant soit de l’aquarelle, soit des pastels. Ces matériaux respectent le principe actuel de réversibilité, et permettront aux générations futures de retrouver facilement le décor d’origine, à la différence des restaurations plus anciennes, utilisant des peintures acryliques, ou autres qui figeaient la matière.
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Elles ont également participé au démontage des retables, victimes d’attaques de vrillettes, qui ont été désinsectisés par un procédé écologique, utilisant de l’azote. Les tableaux sur toile, ainsi que l’antependium (tableau situé devant l’autel côté gauche) ont été confiés à l’atelier spécialisé d’Isabelle Moreaux-Jouannet à Aix les Bains.
Leur dernière mission à Cordon, sera la réalisation du cadran solaire. N’ayant pas retrouvé de décor originel, elles vont devoir le créer, dans l’esprit des décors retrouvés en façade.
Impressionnées par leur passion, qui implique un engagement personnel difficilement compatible avec une vie de famille, nous leur rendons hommage pour leur professionnalisme respectant l’histoire de l’édifice et le travail des artistes.
« Nous sommes heureuses d’avoir participé à la restauration de votre église, en mettant au jour un décor complet en façade, ce qui est rare. Nous espérons que les Cordonnants se réjouiront autant que nous, en admirant ce décor qui a pu être conservé dans sa stricte authenticité, sans liftage ni ripolinage, et qui a traversé quelques deux cent trente années pour se présenter à nous dans sa vérité, avec ses belles rides de grand-père.»
Nous les remercions pour cet échange enrichissant, et leur souhaitons d’autres bonnes surprises en restaurant les chapelles Corses…
Propos recueillis par Claire et Catherine
Stéphane et Raphaël, respectivement chef de chantier et ouvrier de l’entreprise Eurotoiture, s’occupent actuellement de la pose des ardoises sur le toit de l’église de Cordon.
Raphaël, issu du compagnonnage, travaille pour Eurotoiture depuis 2 ans.
Stéphane est issu, quant à lui, du monde de la charpente et de la menuiserie, et n’a pas fait le compagnonnage. Il est, et employé du même patron – Monsieur Christian GARIN, actuel directeur d’Eurotoiture – depuis plus de 10 ans.
Ce duo est représentatif de l’effectif de l’entreprise (15 salariés). En effet, environ la moitié d’entre eux est issue du compagnonnage, et l’autre moitié du bâtiment. « C’est parfait car cela permet un croisement des pratiques et savoir-faire » nous confie Stéphane.
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Bertrand DAMIE, que l’on peut apercevoir sur le chantier en ce moment,
a récemment pris le relais de Stéphane pour la conduite du chantier. Bienvenue à lui ! |
Par ailleurs, stagiaires et apprentis sont régulièrement accueillis et formés. Dans la mesure du possible, ils travaillent sur plusieurs chantiers afin de diversifier leurs connaissances, et renforcent les équipes, qui vont de 2 à 5 personnes par chantier, suivant leur ampleur et les besoins.
Très souvent en déplacement hors de leur département d’origine (la Savoie, l’entreprise étant basée à Sainte Hélène sur Isère - 73460), le chantier à l’église de Cordon leur permet de rentrer chez eux tous les jours, ce qui ne leur était pas arrivé depuis 2 ans !
Eurotoiture, qui s’était chargée du démontage de l’ancienne toiture, de la conception et de la réalisation des plans de la nouvelle charpente, des plans des détails d’assemblage ainsi que de tous les calculs de charge, s’occupe actuellement des zingueries, de la pose des chéneaux, des arrêtiers et des bas de pans en cuivre, des ardoises, et des finitions (arrêts et crochets de service notamment).
La pose des ardoises, comme le reste du chantier, respecte les consignes précises données par l’architecte et le maître d’œuvre, et validé par le maître d’ouvrage, ici la Commune de CORDON.
Une seule couche est installée, avec un espace d’environ un centimètre entre chaque pièce. Outre l’aspect économique de cette ancienne technique (qui permettait d’économiser des matériaux), c’est ici l’aspect esthétique, typique de la région, qui est recherché.
Les pièces, taillées à la main (pour les effeuiller comme une gaufrette) et pré-percées en atelier, sont posées par ligne verticale (appelée « hourne »), ce qui facilite la circulation des ouvriers sur le toit au cours de l’opération.
Ces ardoises sont parées à moitié afin que l’on puisse observer « le pureau », à savoir l’autre moitié non recouverte.
Provenant du Brésil, et choisies pour leurs caractéristiques minérales et pour leur couleur gris-souris (caractéristiques les plus proches de celles des ardoises de l’ancienne couverture), les ardoises sont les mêmes que celles utilisées pour la restauration de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateau-d’Assy.
« L’entreprise est spécialisée dans la restauration de monuments historiques, et c’est une chance pour nous, les salariés » reconnaît Stéphane. « On travaille sur des ouvrages d’une beauté et d’une valeur exceptionnelles ».
« Les contraintes ne sont pas les mêmes que pour d’autres chantiers, et peut-être plus nombreuses, tout comme les matériaux et techniques utilisés, les exigences, le rendu demandé, … Seuls des matériaux nobles sont utilisés, tels que le cuivre, et le plomb, qui sont aussi les plus résistants.
Sur ce chantier, l’entreprise est mandataire du groupement « Menuiserie – charpente – échafaudage ». À ce titre, elle gère administrativement l’ensemble des cotraitants, établit les plans de détails de charpente, ainsi que la facturation pour les trois entreprises (Eurotoiture, l’entreprise CART et Lyon Echafaudage). Habituée à travailler en groupement, l’entreprise choisit au moins un partenaire implanté dans la commune du chantier (à Cordon, il s’agit de l’entreprise Cart). « C’est à la fois pratique, sympa et enrichissant. On apprend toujours de l’autre ».
Quant au travail avec le cabinet d’architecte Grange-Chavanis, il se passe très facilement car les deux entreprises se connaissent depuis longtemps et sont très souvent amenées à travailler ensemble. Une confiance mutuelle a donc pu s’installer au fil des années et des chantiers.
Quand on les questionne sur les particularités du chantier de Cordon, ils répondent instantanément, et en chœur : « le panorama ! ». La pose de joints-debouts également. Cette technique ancienne créée une zone de protection autour du clocher.
L’eau des toitures est collectée, de chaque côté, par « une noue » en cuivre, superbe pièce de charpente formant une arrête.
Nous les remercions vivement pour le temps passé à nous expliquer leur métier, avec passion, et leur souhaitons bonne continuation sur ce chantier, et sur celui de la basilique de Thonon-les-Bains qui suivra.
Propos recueillis par Claire et Aurélie, relus et corrigés par Catherine.
Pascal Curat est ingénieur du patrimoine au sein de la conservation régionale des monuments historiques, service de l’état (Ministère de la Culture) qui dépend de la D.R.A.C. (Direction Régional des Affaires Culturelles). Basé à Lyon, il supervise les travaux de restauration des bâtiments et monuments historiques inscrits ou classés au patrimoine national, pour les départements du Rhône et de la Haute-Savoie. Il est aidé dans sa mission par des conservateurs du patrimoine et des techniciens.
Après des études d’économiste et de technicien du bâtiment, plusieurs formations, notamment en sécurité et conformité des établissements recevant du public, il réussit son concours administratif et est nommé « ingénieur du patrimoine » en 1982. Passionné d’histoire et de patrimoine, il complète son cursus par une formation spécialisée dans la restauration des bâtiments anciens, à l’école de Chaillot à Paris.
Son rôle est avant tout un rôle de contrôle scientifique et technique. Il intervient dès que naît l’idée même de restauration d’un bien, et suit le projet jusqu’à son achèvement. À Cordon, il a aidé la Commune à construire le dossier de restauration de l’église Notre Dame de l’Assomption, puis il a supervisé la consultation du choix du maître d'œuvre et des entreprises. Aujourd’hui, il suit l’avancée des travaux et assiste régulièrement aux réunions de chantier.
Attentif au respect de la réglementation, il est particulièrement vigilant à la prise en compte de l’histoire locale, aux attentes de la Commune (maître d’ouvrage) et de ses habitants, et à la valorisation du monument restauré. L’équilibre entre les contraintes techniques, les souhaits du maître d’ouvrage et les exigences en vigueur pour la restauration de monuments historiques, est parfois difficile à trouver.
« C’est un travail passionnant, et diversifié » nous confie Pascal Curat. « Rien n’est acquis, tout est toujours remis en question, c’est un équilibre fragile qui demande de la diplomatie. On ne doit pas perdre de vue la transmission de l’histoire aux générations futures, la préservation des métiers aux savoir-faire spécifiques, l’authenticité et la valorisation du patrimoine. Il est important d’avoir une vision globale du chantier, la restauration prend alors tout son sens, et l’argent public apporté sous forme de subventions, est ainsi bien utilisé.»
« À Cordon, nous avons des échanges importants et constructifs avec la mairie et les entreprises qui interviennent sur le chantier. La Commune est à l’écoute, et toute la population, attachée à son église, s’intéresse au projet. Il y a une implication importante de chacun et un consensus général, ce qui permet d’aller au bout de la démarche. Une fois la restauration terminée, le monument sera entièrement valorisé, avec sa couverture en ardoise traditionnelle, et sa façade à la fois riche et légère. Il deviendra alors une référence en matière de restauration.»
Pascal Curat est intarissable ; cet échange passionnant nous a permis de comprendre le rôle des services de l’état dans la restauration des monuments historiques classés ou inscrits au patrimoine national, et l’importance de la restitution historique, de la conservation de la valeur patrimoniale, pour permettre aux générations futures une relecture fidèle des marques du passé.
Nous le remercions pour le temps accordé à cet interview, et nous le laissons rejoindre les entreprises qui l’attendent pour la réunion de chantier.
Aurélie et Catherine
En ce lundi matin, nous avons rencontré Patrice et Bruno CART, gérants de l’entreprise qui porte leur nom, en charge de la restauration de la charpente de l’église.
Chez les CART, le travail du bois est un savoir-faire qui se transmet de pères en fils. Leur père, Clovis, et leur grand-père, Germain, travaillaient déjà le bois à Cordon.
La SARL de Bruno et Patrice CART a vu le jour en 1986 et emploie aujourd’hui 3 salariés permanents et 1 secrétaire. Pour le chantier de restauration de l’église de Cordon, un apprenti et deux saisonniers viennent renforcer l’équipe.
« Candidater pour le chantier de l’église, on y avait pensé mais on n’osait pas, du fait de l’ampleur du chantier et des contraintes liées au classement Monument Historique de l’église » dit Bruno.
Mais, démarchés par l’entreprise « Les Métiers du bois » pour fonder un groupement d’entreprises, voici que les CART restaurent l’église de leur village natal, celle dans laquelle ils ont été baptisés, enfants de cœur, communiants, …, et sur laquelle ils avaient déjà travaillé en 2000.
Les trois entreprises se sont partagé les différentes tâches de manière équitable, et selon les compétences et savoir-faire de chacune. « Les métiers du bois » et « Eurotoiture » sont en charge de la pose du plancher et de la couverture en ardoise. Ils interviennent juste après l’entreprise CART.
« Nous avions déjà travaillé avec d’autres entreprises, mais jamais encore en groupement. La collaboration se passe très bien. Il y a une bonne entente et une coordination entre tous ».
Les consignes de travail sont spécifiques à ce chantier. Les techniques utilisées pour restaurer ces 1000 m2 de toiture ne sont pas les mêmes que celles nécessaires à la construction d’un chalet de montagne ou à la rénovation d’une ferme traditionnelle.
Par exemple, l’architecte en chef des monuments historiques a demandé à ce qu’un maximum de pièces de bois d’origine soit conservées. Que les cordonnants se rassurent, ces dernières sont encore tout à fait capables de jouer leur rôle, et les plus abîmées ont été remplacées par de nouvelles, provenant des forêts communales, et coupées « hors sève », comme le faisaient nos ancêtres.
« Cela ajoute une difficulté supplémentaire, c’est certain. Rien n’est droit, la charpente a beaucoup travaillé avec le temps ! »
Des relevés quasi-quotidiens permettent l’intégration de chaque partie réalisée aux plans numériques qui, de cette façon, évoluent au fur et à mesure du chantier.
Cela étant, malgré les contraintes, les CART sont tout à fait en accord avec les orientations prises, car « ces vieilles pièces ont une histoire qu’il est important de transmettre aux générations futures. »
« Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer sur ce chantier ? »
« Plus que des difficultés, il y a sur ce chantier une pression particulière, notamment due à l’échafaudage parapluie, dont le temps de présence est compté. L’échafaudage dans son ensemble est impressionnant. Le transport et la mise en place des pièces de bois sur le toit sont des phases très délicates : il faut en effet ouvrir une partie du toit provisoire afin de pouvoir déposer les poutres et autres pièces à leur emplacement avec la grue. Pour l’instant tout se passe bien. Touchons du bois ! »
C’est un chantier passionnant » disent-ils avec fierté.
Nous remercions Bruno et Patrice pour leur témoignage, et leur souhaitons encore de bons moments sur ce chantier !
Propos recueillis par Catherine et Aurélie.
C’est l’entreprise Jacquet, basée à Estrablin (38780), près de Vienne, qui a été retenue pour effectuer les travaux de maçonnerie nécessaires à la consolidation de l’église de Cordon. Elle compte actuellement 120 employés répartis sur les chantiers des régions Rhône Alpes, Bourgogne, Auvergne et Centre, dont par exemple la Basilique de Thonon les Bains, la Cathédrale de Moutiers, l’Abbaye de Hautecombe, l’Abbaye d’Ambronay, etc.
Leurs formations spécifiques, leur savoir faire et leur expérience en font une entreprise spécialisée dans la restauration des monuments anciens, qu’ils soient protégés au titre des monuments historiques ou pas.. « C’est valorisant de travailler sur des sites privilégiés, qui ont de la valeur », nous dit Mr Bisoli, avec passion. « Nous avons plusieurs jeunes en formation, tailleurs de pierre ou sculpteurs, et bien sûr maçons traditionnels, qui apprennent à utiliser les matériaux et techniques ancestraux tel que la chaux ».
L’équipe qui intervient à Cordon, est composée de 4 à 8 maçons, encadrés par Mr Pascal Minazzi, contremaitre sur ce chantier. Leur première tâche fut de couler des chaînages au sommet des murs, et mettre en place des tirants en acier, afin de consolider l’ensemble de la structure et répartir les charges de la charpente sur les maçonneries. Ils ont également accompagné le travail des charpentiers lors des empochements et des scellements des pannes.
La restauration de la coupole fût leur intervention suivante : « La coupole en tuf présentait des fissures importantes, et demandait un travail soigné de remaillage et boutonnage. Il s’agit de nettoyer la fissure, replacer des pierres en quinconce, injecter délicatement à la seringue un coulis de chaux, et si besoin, mettre en place des agrafes inox ».
Actuellement, l’équipe travaille sur les façades. Les anciens enduits ont été piqués. Puis après consolidation des maçonneries défectueuses et injection de coulis de chaux, le nouvel enduit est appliqué en trois étapes successives : une première couche de « gobetis », ensuite un « dégrossi » ou corps d’enduit, et pour terminer un « enduit de finition ». Les mortiers utilisés pour ces couches successives sont composées d’un mélange de sables, de granulométrie et texture différentes, et de chaux* de dosage dégressif. Une mise en couleur finale sera obtenue par l’application d’un badigeon de chaux mélangée de pigments naturels.
* La chaux (oxyde de calcium), se travaille de deux façons différentes : la chaux hydraulique, qui effectue sa carbonatation au contact de l’eau, et la chaux aérienne, qui effectue sa carbonatation au contact de l’air.
Leur dernière tâche sera la reprise des fissures à l’intérieur du bâtiment. « Étant donné la qualité des décors peints de votre église, nous allons intervenir avec le plus de délicatesse possible. Après avoir purgé les fissures, nous injecterons à cœur un coulis de chaux, afin de redonner une cohérence à la maçonnerie. Nous pourrions avoir recours à l’ajout d’agrafes, que nous rendrons bien évidement invisible… Nous reprendrons ensuite les enduits, en y ajoutant soit de la poudre de marbre, soit du talc, afin d’apporter un support le plus lisse possible aux restaurateurs des décors».
Quelles ont été les spécificités de ce chantier ? « Ce chantier nécessite presque toutes les compétences du maçon traditionnel : maçonnerie de pierre hourdée au mortier de chaux, renforcement de structure par chaînage béton et tirants, taille et pose de pierre, enduit de mortier de chaux, injection de coulis, badigeon de chaux, reprise de fissures, échafaudage. Et ce, sur une magnifique église du baroque savoyard, dans un environnement superbe face au Mont-Blanc. Les échanges et discutions avec l’architecte en chef des monuments historiques qui conduit l’opération, permettent de nous adapter aux différentes découvertes à l’avancement des travaux. »
Nous remercions Mr Bisoli et l’entreprise Jacquet pour le temps consacré à cette interview.
Propos recueillis par Claire et Catherine
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